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Frachet Roger Vailland
23 mars 2013

Les héroïnes de Vailland

De Lucie à Frédérique         

Comment Roger Vailland « habille-t-il » ses héroïnes, en particulier les deux dernières Lucie, dans La Fête et  Frédérique dans La Truite ? Ou même une femme comme Michèle dans un scénario inédit de 1962 intitulé Chambre obscure.   

         
                                                                La "Frédérique" de la Truite

 Lucie adore le cachemire, qu’elle appelle le cashmere anglais. « J’aime le cashmere. Le mois dernier, j’ai dépensé la moitié de mon salaire à acheter des cashmeres. » Au début de La Truite, Frédérique jouant au bowling du Point-du-Jour, est " en décontracté ", habillée « en jupe de toile avec pli creux sur le ventre et pull de teinte unie, » naturelle, sans maquillage. Plus loin dans le roman et le récit de Saint-Genis, toute mignonne, elle est« dans son imperméable, avec sa petite valise de carton bouilli ». Dans Chambre obscure, [1] le personnage de Michèle, qu’on considère comme le maillon indispensable entre Lucie et Frédérique, apparaît comme « une fille moderne, des années twist », que Vailland présente aussi comme « une sauvage, une bohémienne qui gigote en mini-jupe ». Ces femmes rejoignent la Pierrette de Beau Masque, qui est dans la lutte syndicale à l’égal des hommes, des femmes affranchies, libres, qui se libèrent aussi dans leur vêture des tenues trop sophistiquées qui enferment les femmes dans leur rôle traditionnel.

 De Pierrette à Marie-Jeanne

Les héroïnes de Beau Masque et de 325.000 francs [2]

 Le style de Marie-Jeanne dans de 325.000 francs

Marie-Jeanne, l'héroïne du roman la future femme de Bernard Busard, sait ce qu'elle veut. Tout le démontre dans sa façon de s'habiller. Elle ne possède pas de 'petite robe noire' dans sa garde-robes : « Sa veste de lainage blanc tombait bien droit, la coiffure en trois plis sans un cheveu qui se rebiffe. Les bas, comme toujours du calibre le plus fin, parfaitement tendus. Légèrement maquillée : un trait de rouge sur les lèvres, un rien de bleu sur la paupière pour faire chanter le bleu de l'œil. [...] Elle portait une nouvelle blouse de piqué blanc, avec des revers légèrement empesés. »

C'est la rigueur qui domine, dans sa mise, dans son aspect, telle qu'elle apparaît aux yeux des autres : « C'est tout le visage de Marie-Jeanne qui est toujours exactement poncé. Son front bombé, lustré comme les rondes-bosses des vieilles argenteries. [...] Le bas du visage poupin, sans grande signification mais toujours fais comme un fruit qui vient d'être pelé. À quoi répondent... les chemisiers impeccables, légèrement empesés, les jupes ajustées. Marie-Jeanne a une singulière unité de style. »

On voit bien à travers sa tenue qu'elle veut dominer les situations, planifier, et faire sa loi à son fiancé Bernard Busard. Elle rappelle Paméla, cette femme sévère de Drôle de jeu « qui portait une grande robe un peu solennelle, vert émeraude, avec une collerette rigide, dorée, qui maintient droit le cou. »

         

Le style de Pierrette dans Beau masque

Roger Vailland aimait le vêtement féminin, surtout le soyeux de la soie, synonyme d'élégance et de sensualité. Dans Beau Masque, il parle d'une filature de soie installée dans la vallée de la Géline, sœur de la vallée de l'Albarine. « À la fin du XVIIIe siècle, un Letourneau avait fondé dans la cluse, une dizaine de kilomètres au-dessus du Clusot, une filature de soie actionnée par les eaux de la Géline. » Mais la soie naturelle a vécu, évolution qui va générer des conflits dans la vallée. Pierrette Amable est fière dans sa « petite robe noire reprisée, allurée comme ne le sont pus les femmes que toi et moi nous fréquentons » remarque Philippe Letourneau.

Elle est élégante malgré elle dans sa robe, même reprisée. Elle a « de la race » précise le narrateur. Nathalie, la demi-sœur de Philippe Letourneur, porte également « une petite robe noire très simple, de dîner habillé, de chez Schiaparelli. » Simplicité et haute couture. Lors d'une promenade en montagne, Pierrette est bras nus, jambes nues, robe de cotonnade, sandales à semelles de corde. Émilie Privas-Lubas, la femme du banquier Empolli, désabusée, le remarque : « La robe de cotonnade était pauvre mais sans faute de goût. Les cheveux tirés en arrière et noués en chignon sur le cou ne manquaient pas de style. » Son grand châle noir lui donne même un air souverain, « elle releva le châle et le croisa sur sa tête. »

Ernestine, la femme de Justin, s'estime 'moderne', et veut 'paraître' : Elle conduit le tracteur « en combinaison bleue joliment pincée à sa taille, qui est bien prise. » Pour mener son troupeau au champ, « elle a fait faire... un deux-pièces avec la jupe demi-longue en forme, dont elle a trouvé le modèle dans un magazine... » Pierrette n'a pas de ces manières, quand elle et son amie Marguerite vont au bal au Clusot, le narrateur remarque : « Elles étaient superbes : minces, bien campées, le maquillage vif et net, le port de tête fier, jupe droite exactement ajustée, Pierrette en chemisier vert, Marguerite en chemisier rouge. »

Notes et références

[1] Projet de scénario datant de 1962 et publié dans Les Cahiers Roger Vailland n° 7
[2] Reprise de mon article inclus dans L’Homme nouveau

<<<<< Christian Broussas - Feyzin - 16 mars 2013 - <<< © • cjb • © >>>>>>

 

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